Publié le 06 février 2019
19 – Dr Raharison, que peut-on savoir sur le refoulement des émotions chez les enfants ?
Refouler ses émotions, c’est contenir ce que l’on ressent en rapport à une situation ou un évènement.
Et pour un enfant, c’est très difficile car à ce stade du développement, ses réactions sont gouvernées essentiellement par son cerveau émotionnel. Ce dernier fonctionne encore tel un système binaire et ne reconnaît que « oui ou non », « bien ou mal», « plaisir ou souffrance ». Quand des parents absents, débordés ou désarmés ne sont pas à l’écoute des besoins et plaintes de son enfant, il est sûr que celui-ci ne va rien comprendre !… Il ne va pas pouvoir partager son ressenti et pire, va devoir le taire. Or la notion d’attachement de l’enfant vis-à-vis de son parent ou de son tuteur direct, passe avant tout par un minimum d’intérêt et d’écoute à l’origine de ce sentiment de sécurité dont l’enfant a tellement besoin (J.Bowlby-1969). Et dans la grande majorité des cas, l’enfant va subir malheureusement les conséquences de ce manque d’attachement, qu’elles soient à court, moyen ou long terme.
Ainsi l’enfant maltraité à l’école ne va pas en parler à ses parents par honte, peur, culpabilité, etc. Il va se convaincre que l’adulte référent ne pourra pas lui venir en aide. Et les répercussions sont multiples. Prenons l’exemple de cet enfant déjà propre qui va refaire pipi au lit. Un autre fait des cauchemars ou se referme sur lui-même. Cet autre présente des troubles de l’attention et de la concentration ou juste un refus de la scolarité. Celui-là est devenu hyperactif et certains deviennent violents, etc.
20 – Et à l’adolescence, peut-il aussi y avoir un refoulement des émotions ?
L’Adolescent n’est pas à l’abri. Qu’il traîne un boulet depuis petit ou que les manifestations soient récentes, cette période est celle des extrêmes. De fait, l’ado peut se réfugier de plus en plus dans sa souffrance, se sentir inutile, se détacher de ses pairs et va jusqu’à s’automutiler. Dans d’autres situations, l’adolescence peut aussi être considérée comme la période ultime. C’est le moment pour pouvoir enfin extérioriser, mais à sa manière. Ceci généralement va se faire au sein d’un groupe, défiant tous les risques, aller de conquêtes en conquêtes et jusqu’à braver tous les dangers. Parmi ces challenges, « les rapports sexuels à risques »,
« le Binge drinking », « le neknomination », « le momo game », « le Défi de la baleine bleue ». A chaque fois, le point commun à tous ces phénomènes, « mal être versus excès d’émotions ».
21 – Comment se manifeste le refoulement des émotions chez l’adulte ?
La plus grande différence chez l’adulte, concerne son statut par rapport à la communauté, son rapport avec la société en général et avec l’environnement professionnel en particulier. En effet, qui dit adulte dit responsabilités, devoirs, obligations et qui forcément engagent l’individu volontairement ou non, dans un processus et des étapes assez conventionnels. Des situations qui idéalement demandent un minimum de constance, d’équilibre et d’intégrité chez la personne concernée. De fait, nous constatons d’emblée la difficulté et le caractère très sélectif de notre société. Et à ce niveau, nous ne parlons pas encore de courses vers le rendement et la performance exigées par les grandes entreprises et de facto par le système de la mondialisation.
Et si on revient à la notion d’émotions refoulés, nous nous rendons compte combien il est difficile pour « l’enfant réprimé » ou dont les émotions sont refoulées, une fois adulte, de se faire une place et de s’insérer dans une société de plus en plus exigeante, où les postes sont limités et de plus en plus chers. Il est clair qu’autant de manifestations que de personnalités, de vécus et de situations sont possibles.
Nous allons pouvoir en reparler mais au final, voilà pourquoi Freud a dit que les émotions refoulées continuent de proliférer dans le noir.
Recueillis par Tatiana (à suivre)