Publié le 21 juin 2022
L’Assemblée Nationale est composée de 151 députés. Dix d’entre eux étaient présents pour voter en catimini une proposition de loi accordant l’immunité juridictionnelle aux maires, chefs de régions et gouverneurs. Le terme « immunité » n’est pas exprimé, mais la formulation revient au même. Voici la disposition controversée : «Lorsqu’un maire, un chef de région ou un gouverneur est susceptible d’être inculpé de crime ou de délit, commis dans l’exercice ou hors de l’exercice de ses fonctions, la poursuite ne peut être engagée que sur ordre du procureur général près la cour d’appel et après avis conforme du ministre en charge de la décentralisation. »
Cette proposition de loi est critiquable pour plusieurs raisons. En premier lieu, il saute aux yeux que cette nouvelle disposition légale viole le principe de séparation des pouvoirs qui est pourtant gravée dans la Constitution. En second lieu, tout est fait pour faire obstacle aux poursuites contre un maire, un gouverneur ou un chef de région. Dans la pratique, le procureur général de la cour d’appel va garder le dossier dans son tiroir pendant deux ans. Il en est de même du ministre en charge de la décentralisation pendant deux ans. Les poursuites judiciaires contre le maire, le gouverneur ou le chef de région finiront par être prescrites. En troisième lieu, cette immunité qui ne dit pas son nom revient à donner aux maires, gouverneurs et chefs de région les pleins pouvoirs pour qu’ils se livrent aux pires dérives.
La Constitution prévoit l’immunité des parlementaires, mais pas celle des maires, ni celle des chefs de région. Etant donné que les gouverneurs ne sont pas expressément prévus par la Loi Fondamentale, il serait maladroit de leur octroyer une quelconque forme d’immunité. Cette proposition de loi sera-t-elle déclarée conforme à la Loi Fondamentale par la Haute Cour Constitutionnelle ? A une année de l’élection présidentielle, il est imprudent de vouloir faire passer en force une proposition de loi qui constitue une menace pour la République. On ne peut pas, d’un côté, prétendre à un assainissement de la vie politique, et d’un autre côté, offrir l’immunité à tous les élus. Il s’agit de ne pas jouer avec le feu et de ne pas tenter le diable. Au lieu de décréter l’irresponsabilité des maires, des gouverneurs et des chefs de région, il serait plus judicieux d’augmenter les dotations et subventions de l’Etat en faveur des collectivités territoriales décentralisées.
M. GASPARD