La Gazette de la grande ile

Société civile : une organisation trouillarde

Publié le 17 novembre 2022

Face à la crise perpétuelle qu’endure Madagascar depuis des années, les observateurs se demandent si le pays possède des entités critiques et constructrices pour équilibrer la mauvaise gouvernance des dirigeants. La majorité des médias, si ce ne sont pas tous les organes de presse, sont politisés et n’osent plus affirmer la vérité. Idem pour les organisations de la société civile qui sont censées dénoncer ce qui ne va pas et faire pression sur le pouvoir en place, influencer l’opinion publique et encourager la participation politique, toujours dans le but de faire avancer le pays.

Pourtant, à Madagascar, les organisations de la société civile n’osent pas assumer leur rôle. La majorité des membres de ces organisations sont politisés.  De ce fait, ce sont les organisations de la société civile elles-mêmes qui n’ont plus de raison d’être.  Hier, lors d’un séminaire des organisations de la société civile à l’Hôtel de ville à Analakely, nous avons essayé de recueillir leur opinion sur le positionnement de Madagascar face à la guerre en Ukraine. Personne n’a voulu répondre. Ils ont tous refusé de s’exprimer par peur du régime, ou plus précisément, par peur de contredire le régime en place et de perdre une potentielle nomination politique.

Les organisations de la société civile devraient jouer un rôle important dans la gouvernance du pays. Ils doivent participer à la planification et la budgétisation au niveau local. Mais ils sont absents. Jusqu’ici, aucune organisation de la société civile n’a osé dénoncer le retard de l’étude du Projet de Loi de Finance Initiale 2023 à l’Assemblée Nationale. Ils se tassent tous dans leur coin et n’osent même pas critiquer les députés.

Les organisations de la société civile doivent également encourager la participation politique. Un point sur lequel le pays connaît un très grand retard. Lors de la dernière élection présidentielle de 2018, seuls 40% des Malgaches ont voté selon la Commission électorale nationale indépendante. Et encore, ces chiffres sont très loin de la réalité, car l’Institut National de Statistique indique que plus de 60% de la population ayant l’âge de voter, n’ont pas été inscrits dans la liste électorale. Ces 40% ne sont donc pas représentatifs de la réalité qui indique que les Malgaches rechignent à participer à la vie politique du pays. Face à cela, les organisations de la société civile ne font rien. En ce moment, la Commission Electorale Nationale Indépendante est en plein travaux de refonte totale de la liste électorale. Une occasion pour les Organisations de la Société Civile d’encourager la population à s’inscrire et ainsi de remplir leur rôle d’encouragement à la participation politique. Pourtant, ils ne font rien. Même un membre de la société civile avec qui nous avons discuté hier, avoue que la procédure de la refonte totale de la liste électorale est défaillante, mais il n’ose pas le dire à la Commission électorale nationale indépendante. Idem pour l’actuel Maire d’Antananarivo qui est l’ancien président du GEM et que personne n’ose critiquer.

Les organisations de la société civile ont des idées, mais n’osent pas s’exprimer à cause de l’affiliation politique de certains de leurs membres. Ce sont surtout les membres haut placés qui sont attachés à un parti politique. Les autres doivent les respecter. Ils perdent ainsi leur valeur et leur notoriété à cause de ces membres politisés. Au final, les organisations de la société civile sont devenues des organisations trouillardes qui n’agissent plus comme avant. Ce qui crée un déséquilibre dans la gouvernance du pays et laisse le régime en place faire ce qu’il veut sans que personne n’émette des critiques constructives. C’est l’une des principales causes des perpétuelles crises auxquelles le pays fait face depuis des années.

La Gazette

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