La Gazette de la grande ile

Justice : enterrer les dossiers pourris

Publié le 18 novembre 2022

En 1975, ce qui aurait dû être le « Procès du siècle » sur l’assassinat du colonel  Richard  Ratsimandrava, s’est  terminé en  queue de poisson. L’ensemble de la procédure était une montagne  de  faits difficilement  croyables, laquelle a  finalement  accouché  d’une  souris. Ce précédent judiciaire scandaleux a marqué  à jamais la Justice  à Madagascar.  Surtout que la mémoire collective a bien  gardé à l’esprit  cet aveu catégorique du  colonel  Roland  Rabetafika qui a dit : « l’auteur du crime  n’est pas  dans la salle… »  Déclaration à la  barre qui   vaut  témoignage, lourd  de  sous-entendus.  Mais durant  tout le  débat, ni le Ministère Public, ni les juges  de ce tribunal  spécial, n’avaient  daigné retenir ou  accorder la moindre importance à une  telle  dénonciation. Pourquoi ?…  Depuis, force est  de  constater que  cette  tendance en  cours  d’audience de quelques magistrats à  se taire  et à laisser  de  côté certains détails qui pourraient conduire à la manifestation  de la  vérité, est  devenue monnaie courante, puis espèces  sonnantes et  trébuchantes…

Tant que le public  s’amusera  à se foutre  de la  gueule de qui vous  savez avec cette blague qui  égratigne avec  tact et finesse les  gens  de robe et qui dit clairement  « Rakotozafy ihany no Alexis », comme il  a été écrit dans les Saintes  Ecritures de la Bible « il n’y a rien de nouveau  sous le soleil.». Mais tout de même, avant lui, le bien nommé Rakotozafy François, avec lui et même après lui, croyez notre triste et modeste expérience de journaliste, la bonne  administration  de la Justice, l’intégrité des juges  et les procès  équitables ont  toujours  été  des leurres pour endormir la méfiance  et  surtout la  confiance  des petites gens (les Babakoto) et pauvres bougres  de Malgaches  que nous sommes le temps  d’un  discours et tout au long des prochains jours de leur  existence. Et le tour est joué… ! Plus naïfs que nos compatriotes, on meurt… Avec les grandioses  festivités  d’un « famadihana » (exhumation) à la clé  garantie !

Et quand l’oubli de ce « second linceul des morts » fera  son effet, le procès pour lequel l’aïeul avait consacré son  existence  et ce qui  souvent manquait dans le dossier de la défense « suffisamment  de  sous », pour les  honoraires  de Maître l’avocat et les « extra » à remettre aux greffiers, puis ensuite en mains propres aux juges qui prendront les  décisions  convenues  qui  s’imposent  en pareils  cas.  Sinon, l’affaire sera également enterrée bel et bien, au sens propre comme au figuré sous des piles d’autres dossiers en instance (disons plutôt en souffrance), dans quelques placards des oubliettes de la salle des archives.

A l’heure actuelle, une succession de dossiers criminels dénoncés par la rumeur publique remet  sur le  tapis  la  continuité déplorable  de cette pratique très préjudiciable pour les simples  citoyens  qui ne peuvent pas  se payer le  luxe  d’acheter, soit leur liberté,  soit les intérêts  de la  cause qu’ils  soumettent à l’autorité judiciaire. Après la période de l’impunité des  trafiquants  des  bois  de  rose,  des lingots  d’or,  des pierres précieuses et des devises, voici  venir le  temps des auteurs  d’actes  criminels cruels qui  restent  et  demeurent sans  suite. Pour quelques  têtes  de  bovidés, des propriétaires et  des  braves  éléments des  forces  de l’ordre  sont  assassinés  avec  sauvagerie sans  que les procès  les  concernant aboutissent. On  détourne les  deniers publics à hauteur  de plus  de 100 milliards  et même plus  sans  que les auteurs principaux, les  complices soient  inquiétés. Plus  grave : des paysans  sont massacrés à IKONGO, ils  attendent  toujours que le  Chef de la Magistature Suprême  vienne les  soutenir moralement au lieu  de  compatir sur le  sort  de  « Naina ce play-boy vieillissant » porté  sur la  débauche.

N. Razafilahy

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